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NARBONNE

L’histoire de la construction de la cathédrale et de la restauration du cloître, par Doriane Garcera guide conférencière.

A Narbonne, les amoureux du patrimoine retiendront de l’année 2019 la fin du chantier de restauration du cloître de la cathédrale Saint Just et Saint Pasteur. Ces travaux sont l’occasion de poser de nouvelles questions au sujet des lieux. Ce qu’il est, certes, mais ce qu’il n’est pas, ce qu’il aurait dû être, ce qu’il a été, ce qu’il pourra devenir…

 

Touristes ou habitants de Narbonne, tous apprennent que la cathédrale est construite au cours du XIVème siècle. Ce qui est vrai, du moins pour ce que l’on en voit aujourd’hui. Le style gothique rayonnant s’implante de manière monumentale dans le sud de la France, image du pouvoir important de la ville. En effet, à cette époque, l’archevêque de Narbonne contrôle un archidiocèse, un territoire religieux allant de Toulouse à Montpellier. Mais l’histoire du lieu a débuté bien plus tôt. L’actuel édifice se dresse en lieu et place d’une cathédrale préromane datant du IXème siècle, dont la tour-clocher est encore visible depuis le cloître. Celle-ci était déjà consacrée à Just et Pasteur, deux jeunes enfants martyrs, victimes des massacres de Dioclétien en Espagne. Cette première cathédrale, quant à elle, avait pris la place d’une basilique latine, qui elle-même a été construite pour remplacer une basilique Constantinienne construite au IVème siècle. Pour résumer, durant un millénaire, l’endroit fut occupé par quatre lieux de culte chrétien différents. Finalement, la cathédrale du XIVème siècle sera la dernière, marquant aujourd’hui encore le paysage urbain, avec ses contreforts imposants et ses pinacles hauts.     

    

Alors, l’histoire de la construction est bien longue. Certes, mais l’achèvement des travaux de construction ne marque en aucun cas la fin de cette histoire. A l’extérieur, peu de changements, mais dans ce chœur, la vie continue, et la décoration notamment ne cesse de se moderniser. Beaucoup des peintures, statues et tapisseries que l’on retrouve dans les chapelles sont d’époque moderne. Et la partie la plus récente se trouve au centre : le maître autel actuel, et surtout, l’orgue. Celui en place aujourd’hui n’a pas encore cent ans.

Si l’intérieur de la cathédrale a pu évoluer avec son temps, cela amène une question sur l’extérieur. Outre son style et sa taille, un élément particulier de l’édifice retient l’attention : cette version de Saint Just et Saint Pasteur n’est pas terminée. Ce n’est pas tant une église mais plutôt un chœur. Plusieurs raisons à cela : un manque de place à cause des remparts, un manque de ressources notamment dû à la peste noire, et surtout des conflits politiques entre les consuls de la ville. Le transept ne fut jamais construit, ni au Moyen Âge, ni plus tard. Non pas par manque de volonté ; bien au contraire, à plusieurs reprises des travaux sont envisagés puis abandonnés, une fois encore faute de moyens. Le projet le plus abouti fut celui d’Eugène Viollet-le-Duc, au XIXème siècle, qui venait alors d’achever la façade du palais des archevêques. Il commença les travaux dans la cour Sainte Eutrope, mais ceux-ci ne virent jamais le jour.

Les questions de patrimoines ont bien évolué. Il était considéré comme normal, il y a plusieurs siècles, de détruire une église pour en reconstruire une autre. Plus conforme aux goûts, plus grande, plus belle… Aujourd’hui, à l’inverse, il est impensable de détruire la cathédrale de Narbonne pour en reconstruire une complète. Mais alors, ce transept ? Doit-on le construire tel qu’il aurait dû être, et achever l’église tant espérée par les archevêques ? Ou plutôt imaginer une version modernisée du transept, plus en accord avec son histoire ? Ou encore, peut-être vaut-il mieux laisser ce chœur en l’état ? Personne ne saurait donner à cette question une réponse claire. Les questions patrimoniales ne peuvent être réfléchies de manière objective, chaque regard dépend d’un goût, d’une sensibilité, et surtout d’une époque. Certains aiment l’actuelle cour Sainte Eutrope, dotée sans doute d’une aura particulière avec ses colonnes se dressant dans le vide. D’autres voudraient voir se concrétiser un projet long de 1700 ans. Seul l’avenir pourra trancher ces questions au sujet de la cathédrale de Narbonne.

Il est pourtant une affirmation sur laquelle les amateurs et professionnels du patrimoine se mettent toujours d’accord : sans modifier, détruire ou construire, il faut préserver ce qui est. C’est pourquoi les travaux de restauration sont si répandus. Et le cloître de la cathédrale Saint Just et Saint Pasteur a, justement, fait l’objet d’une restauration durant quatre ans. Ce lieu mystique, dédié à la déambulation et à la méditation, fait partie intégrante de la cathédrale. Et il a subi les ravages du temps. Les intempéries, notamment la pluie et le vent, ainsi que la pollution, ont abîmé et noirci les pierres si claires. Les murs et le sol n’étaient plus étanches, l’eau s’infiltrait, menaçant la structure de s’effondrer un jour. La maladie de la pierre se répandait d’un bloc à l’autre, contaminant tous les murs qui s’effritaient alors.

C’est à l’entreprise Sèle qu’ont été confiés les travaux de restauration. Toutes les pierres qui n’étaient pas touchées ont été nettoyées grâce à la technique du microsablage : un jet puissant de fines gouttes d’eau et de grains de sable, permettant un nettoyage en profondeur des pierres. Les plus abimées ont été remplacées par de la pierre amenée spécialement de Pondres, près de Sommières, dont les caractéristiques visuelles et de vieillissement correspondent à celles déjà en place, afin d’harmoniser au mieux l’ensemble. Des artisans spécialisés ont retaillé les colonnes, à la manière des artisans médiévaux : chaque colonne est unique, un peu différente des autres. L’idée principale était de s’accorder avec l’ambiance et le style des lieux.

Aussi, la différence la plus notable survient lorsque l’on lève les yeux. Tout au long des murs à l’intérieur du cloître, les gargouilles ont aussi eu droit un rajeunissement. Outre le nettoyage, 8 nouvelles gargouilles ont été sculptées – totalement ou partiellement – et mises en place. Ces gargouilles sont l’œuvre du sculpteur Daniel Esmoingt, artisan des Monuments historiques, dont ce fut le dernier chantier. Son travail avait déjà été reconnu partout en France, notamment dans les palais de la région parisienne ou dans la cité de Carcassonne, mais aussi en Egypte. Pour créer ces nouvelles gargouilles, il s’est inspiré des thèmes déjà présents dans les lieux : des personnages médiévaux grimaçants, et des corps d’hommes avec des têtes d’animaux plus ou moins chimériques.

Le cloître a été inauguré le 13 juillet 2019. L’occasion pour certains de découvrir ou redécouvrir Saint Just et Saint Pasteur, d’imaginer les précédentes basiliques et, peut-être, le futur transept.

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