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LES SALINS DE L'AUDE

Conférence du 18 novembre 2022 par par Emilie Barret, guide conférencière « Les Salins de l'Aude » 

Lorsque que l’on pense salin dans l’Aude, ceux de Gruissan et de La Palme nous viennent rapidement en tête. Pour cause, ce sont les seuls encore en activité aujourd’hui. Pourtant c’est plus d’une trentaine de salins qui se sont succédés au cours de l’Histoire sur le pourtour narbonnais. La première trace remonte au Ier siècle de notre ère. Une épitaphe dite “épitaphe du salinator” évoque l’activité de salinier. Cette dernière a été retrouvée près d’Estarac le long de la Via Domitia. Narbonne a eu son propre salin appelé “étang salin” dont les premières mentions datent de la fin du Xème siècle. Il faut alors se rappeler qu’à cette époque, notre ville était portuaire. 

 

            Si elle a beaucoup évolué depuis l’Antiquité, la géographie locale a toujours été propice au développement de la production du sel : un environnement proche de la mer, composé de lagunes et de marécages dans lesquels il est aisé de construire des bassins afin de faire évaporer cette eau et ne laisser que l’or blanc. Le climat y est également idéal : le cers, plus communément appelé tramontane et la chaleur de l’été sont les deux éléments nécessaires à l'évaporation de l’eau.

 

            Le sel est abondant, donc une ressource financière non négligeable. De fait,à la dîme du sel succéda au milieu du XIIème siècle l’impôt salin, qui lui-même fut remplacé par la célèbre gabelle du sel. Cette dernière fut établie en Languedoc au milieu du XIVème siècle. Des greniers à sel ont été mis en place afin d’assurer sa vente. A Narbonne, il se trouvait dans le quartier de Bourg. Sa vente était maîtrisée. Mais dans un pays de sel, la contrebande est aisée et le contrôle total est au contraire compliqué. C’est ainsi que dans une ordonnance de 1596, Sully fait noyer la plupart des salins. Ne subsistaient alors que ceux de Peyriac et de Mandirac. La gabelle prit fin avec la Révolution Française puis revint sous un autre nom pour financer les guerres napoléoniennes.

 

            C’est durant cette période (début du XIXème siècle) que de nombreux salins (re)voient le jour. Ainsi une partie des étangs de Bages, Estarac et Sigean sont exploités pour produire du sel. C’est à cette période que naît le salin de La Palme. Celui de l’île Saint Martin fut construit un siècle plus tard sous l’impulsion d’une ingénieure : Madame Le Danois. Ce sont les derniers salins de l’Aude dans lesquels les sauniers exercent leur métier.

 

            Les sauniers se définissent eux-mêmes comme des agriculteurs de la mer. Ils doivent tirer le meilleur des éléments afin de faire circuler l’eau dans les différents partènements (bassins) devenant ainsi une saumure de plus en plus dense. Les dernières eaux disparaissent dans les cristallisoirs ou tables salantes qui sont les ultimes bassins. C’est dans ceux-ci que la croûte de sel se forme. A Gruissan, on attend que son épaisseur soit d’une quinzaine de centimètres pour récolter. De fait, la récolte n’a lieu qu’une fois par an, fin septembre et elle est mécanique, contrairement à celle de la fleur de sel. Durant la période estivale, les sauniers débutent leur journée de travail à l’aube afin de récolter cette fine couche qui se forme au-dessus de l’eau. Riche en oligoéléments, elle est utilisée et appréciée après la cuisson. Si au début du XIXème le sel audois avait pour destinations les tanneries, le fourrage, la salaison d’anchois ou encore l’alimentaire, aujourd’hui il n’est exploité que pour ce dernier usage et dans une mesure qui s’amoindrit sans cesse en faveur du déneigement.

 

            Dans le but d’éviter le sort réservé aux nombreux salins construits sous Napoléon qui ont périclité notamment à cause des difficultés d’acheminement du sel, les salins de La Palme et de Gruissan se sont tournés vers le tourisme. Différentes activités ont été mises en place : petit train avec commentaires, visites guidées, écomusée, restaurant, vente d’huîtres affinées sur place sont autant de moyens de maintenir les salins audois.

 

            Préserver ces salins, c’est certes, continuer une activité ancestrale, conserver des emplois, mais c’est également entretenir un écosystème. En effet, les salins sont constitués de bassins peu profonds dans lesquels circule de l’eau de mer. Cette dernière amène avec elle plancton, petits mollusques et crustacés, qui pour certains résistent à un taux de salinité élevé dont se nourrissent de nombreux oiseaux. Sternes, aigrettes garzettes, avocettes, goélands, gravelots à collier interrompu et flamants roses sont les principaux oiseaux de nos salins. Ils apprécient la quasi absence de prédateurs, la distance avec l’Homme et la nourriture abondante. Les flamants y trouvent en quantité l’artemia salina, petite crevette qui lui donne sa couleur caractéristique. Cette dernière mange la dunaliella salina qui elle-même donne la couleur caractéristique des salins durant la période estivale. Ce rose est un atout car il est une des principales raisons de la venue des visiteurs.

 

            Les salins dans l’Aude sont présents depuis au moins vingt-et-un siècles. Ils ont évolué en même temps que la géographie, au gré des décisions des pouvoirs et de leur rentabilité. Leur importance économique et environnementale a été grande et l’est encore aujourd’hui.

Les touristes et la population locale en consommant du sel audois assureront à l’avenir la survie de ces salins.

 

Photos Emilie Barret

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