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MUSEE D'ART DE NARBONNE

Nous avons suivi Jean-François Rio, guide conférencier, au Musée d’art Palais Neuf de Narbonne sur le thème:
D’une salle à l’autre découvrir un chef-d’oeuvre.

Le Palais Neuf,  abrite depuis le XIXe siècle une collection de peintures des écoles française, espagnole, italienne et du Nord, datant du XVe au XIXe siècle. Notre guide a su tel un conteur nous faire apprécier les 7 œuvres suivantes .

Notre guide a su tel un conteur nous faire apprécier les oeuvres suivantes :

  • "Les armes d'Enée" de Claude Audran le Jeune (1639-1684);

Fils du peintre Germain Audran, Claude Audran, dit "Le Jeune" fut l'élève du célèbre peintre Charles Le Brun. En collaboration avec ce dernier, il travailla à l'ornementation du château de Versailles, du Louvre et des Tuileries. Il fut également peintre ordinaire du roi, et membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Le thème de cette œuvre s'inspire de l'"Enéide", du poète latin Virgile, qui relate les voyages du héros Enée, fils de Vénus et d'Anchise, après la chute de Troie, jusqu'à son arrivée dans le Latium et la création du royaume de Lavinium. Dans le chant VIII de l'Eneide, la déesse Vénus, voyant que la guerre est inévitable dans le Latium, demande à son mari Vulcain de forger des armes pour Enée et ses compagnons. Les Romains considéraient Enée comme un ancêtre de Romulus, et donc comme le fondateur de leur civilisation. A ce titre, il jouait un rôle extrêmement important dans leur imaginaire et dans leur littérature. Ce tableau de Claude Audran est tout à fait caractéristique du classicisme (ou "baroque français") qui s'impose dans l'école française vers le milieu du XVIIe siècle, et sera illustré entre autres par Nicolas Poussin, Claude Lorrain, Eustache Le Sueur, Charles Le Brun ou Pierre Mignard. Dans cette œuvre, l'artiste se distingue notamment par ses grandes qualités de coloriste.

  • "Fleurs, fruits, oiseaux" d’Abraham Breughel (1631-1690);

 Issu de la célèbre famille Brueghel, dont le plus illustre représentant fut, au milieu du XVIe siècle, Pieter Brueghel l'Ancien, Abraham Breughel fait montre d'un talent très précoce et réussit à vendre sa première toile dès l'âge de quinze ans. Il se rend à l'âge de 18 ans en Italie, à Rome puis à Naples, où il exerce son métier jusqu'à sa mort. Il se spécialisera assez tôt dans la peinture de fleurs. Cette nature morte surprend par le contraste très fort entre le premier plan - un amoncellement assez chaotique de fruits, de légumes, de fleurs aux couleurs éclatantes- et l'arrière-plan, assez inhabituel pour ce type de sujet, où l'on distingue, au lieu du simple fond sombre ordinairement choisi, ce qui semble être un jardin, avec fontaine et statue, traité dans des coloris très froids. Ce contraste est néanmoins caractéristique de ce genre pictural, à la fois exercice de style (et occasion pour l'artiste de démontrer son habileté à représenter la nature avec vraisemblance), et leçon philosophique, méditation sur le caractère éphémère de tout ce qui vit ou pousse en ce monde. A cet égard, l'arrière-plan, avec son aspect marmoréen, peut être interprété comme une illustration de l'au-delà, de l'éternité, de ce qui n'est pas corruptible. On notera la présence, évidemment inhabituelle pour une nature morte, de deux animaux vivants, un paon et une grue cendrée, qui peuvent eux aussi se prêter à diverses interprétations, le paon étant notamment un symbole de l'orgueil, la grue un symbole de la vigilance. Quoiqu'il en soit, la nature morte est un genre dans lequel les peintres flamands et hollandais se sont particulièrement illustrés, excellant à représenter fleurs, fruits, légumes, et autres objet, illustrant ainsi les plaisirs des sens et la fragilité des joies terrestres.​​​​​

  •  Atelier de Pieter Coecke van Aelst et Florent Despêches : "Triptyque de la sainte famille." (panneau central vers 1530, volets latéraux en 1603)

 

Actif pendant la première moitié du XVIe siècle, Pieter Coecke van Aelst (ou d'Alost) accomplit un séjour en Italie entre 1521 et 1525 et s'établit à son retour à Anvers, où il dirige un atelier très réputé. Par sa manière, il se rattache à la guile des romanistes de l'Ecole d'Anvers, qui associe au réalisme et à la précision des artistes flamands le sens de la mise en scène de certains artistes italiens, tels que Leonard de Vinci. Il ne reste que très peu d'œuvres de la main de Pieter Coecke van Aelst, car une grande partie d'entre elles ont été détruites pendant les guerres de religion du XVIème siècle, par les iconoclastes calvinistes. Le panneau central représente le repos de la Sainte Famille pendant la fuite en Egypte (premier plan), le massacre des innocentes (plan médian) et, probablement, la Jérusalem céleste (arrière plan). Si le traitement italianisant se ressent assez nettement pour la sainte Famille, on sait que Pieter Coecke van Aelst a aussi été influencé par le peintre Jan Gossaert (dit "Mabuse"). Le paysage, quant à lui, s'inspire à coup sûr d'œuvres de Jérôme Patinir (1483-1524), très grand peintre de paysages, dont la manière fut reprise par bon nombre de peintres de la même génération ou de la suivante. On remarque, en particulier, l'arrière-plan montagneux, traité dans un bleu intense, appelé parfois "bleu Patinir". Les volets latéraux ne furent décorés que plus d'un demi-siècle après le panneau central, par un artiste bourguignon, Florent Despêches, actif à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, et dont on peut aujourd'hui voir quelques œuvres à Dijon, dans l'église saint Michel, ainsi qu'au musée d'art sacré. Ce décalage d'exécution n'est guère surprenant, dans la mesure où les retables brabançons étaient souvent livrés avec des volets destinés à être peints ultérieurement, selon les souhaits de leurs propriétaires. Les donateurs ont pu être identifiés : il s'agit de deux époux, Charles d'Escars (mort en 1626) et Anne de Baissey (morte en 1622), représentés chacun aux côtés de leur saint patron : Charlemagne pour Charles d'Escars, Sainte Anne - et la Vierge Marie - pour Anne de Baissey. Le traitement des volets est de qualité sensiblement inférieure à celui du panneau central, Florent Despêches étant un artiste de moindre envergure que Pieter Coecke van Aelst. L'ensemble du triptyque a fait l'objet d'une restauration en 2015-2016, et a pu être enfin présenté au public narbonnais dans sa version restaurée pour les Journées du Patrimoine, en septembre 2016. L'œuvre avait précédemment souffert de plusieurs "restaurations invasives" (rabotage du support, repeints maladroits), ainsi que d'attaques d'insectes xylophages et d'un acte de vandalisme (peut être pendant la période révolutionnaire). Exposé avant sa restauration dans la chapelle Saint Martial du palais des archevêques de Narbonne, il est désormais présenté dans la grande galerie, avec un éclairage approprié et des panneaux explicatifs détaillés, qui restituent à cette œuvre remarquable la place qu'elle méritait dans nos collections d'art.

  • Jan de Beer (v.1475-1528), "Triptyque de l'Adoration des Mages" (début XVIe siècle)

Jan de Beer fut lui aussi un peintre très actif à Anvers au tournant des XVe et XVIe siècles, et une figure dominante du maniérisme anversois. Au total, une vingtaine d'œuvres lui sont aujourd'hui attribuées. Par sa composition et son traitement très réaliste, ce triptyque se situe dans le prolongement des chefs d'œuvre de la peinture flamande du XVe siècle - on pense, en particulier, au retable de "La Vierge du chancelier Rollin", par Jan van Eyck. Jan de Beer, tout comme ses plus célèbres prédécesseurs, excelle à représenter les moindres détails des visages, la texture des vêtements qui retombent en formant de nombreux plis, prétextes à de subtils jeux d'ombres et de lumières. Sur le panneau central, la composition, répartie sur deux plans, présente une scène d'intérieur ouverte, au centre, sur un paysage, un choix caractéristique là encore de la peinture flamande du moyen âge tardif et de la Renaissance. Les volets latéraux représentent les donateurs, non identifiés à ce jour, mais dont on peut connaître le prénom grâce au saint patron associé à chacun : saint Pierre à gauche, sainte Ursule (vraisemblablement) à droite. Tout comme le triptyque de Pieter Coecke van Aelst, il s'agit à l'origine d'une œuvre de dévotion privée. Le revers du tableau est orné d'un décor de grisaille, comme nombre de retables peints, destinés à être exposés ordinairement avec leurs volets repliés.

  • "Saint André" de José de Ribera (1591-1652);

Il s'agit certainement de l'une des œuvres majeures des collections d'art du palais des archevêques : José Ribera, peintre espagnol actif à Naples à partir de 1616, compte en effet parmi les principaux représentants du ténébrisme, courant artistique marquant pendant les premières décennies du XVIIe siècle, initié par le grand peintre Caravaggio (le Caravage), et illustré notamment en France par Valentin de Boulogne, et en Lorraine par Georges de la Tour. Ribera s'inspire très sensiblement des œuvres du Caravage, avec néanmoins des compositions moins complexes et un attrait particulier pour des figures d'ascètes et d'apôtres, comme c'est le cas, précisément, pour ce portrait de saint André. Le corps à demi nu du modèle fournit au peintre l'occasion de déployer toute sa science d'observateur et d'anatomiste, détaillant chaque muscle avec précision, soulignant chaque ride, conférant à son personnage une intensité émotive poignante. Très tôt remarqué et protégé par le vice-roi de Naples, José de Ribera produisit un très grand nombre de tableaux, en particulier dans les années 1620, sur des thèmes assez restreints, notamment des portraits de vieillards et des scènes de martyres, dont le tableau de Narbonne est un exemple tout-à-fait représentatif. Ribera fut également un ami de Diego Velázquez, et un artiste très apprécié de son vivant, au point de susciter des jalousies chez quelques-uns de ses confrères napolitains et d'être la cible de rumeurs calomnieuses : on l'accusa, entre autres, de mêler des substances corrosives à l'eau qu'employait un de ses collègues, Massimo Stanzioni, pour faire périr ses œuvres. Rumeurs évidemment - et heureusement - sans aucun fondement !

  • "La bataille de Navarin" d’Ambroise-Louis Garneray (1783-1857);

Exposée dans la première salle des collections orientalistes du palais, cette œuvre se distingue par ses dimensions (2,25 x 3,68m) aussi bien que par ses qualités picturales.  Fils de Jean-François Garneray, qui fut peintre du roi Louis XVI et élève de Jacques-Louis David, Ambroise-Louis Garneray suit néanmoins un parcours tout à fait atypique pour un artiste : engagé comme mousse à l'âge de 13 ans, il combat pendant la Révolution et l’Empire, tout d'abord au sein de la marine (la "Royale"), puis comme corsaire, aux côtés du célèbre Surcouf. Capturé par les Anglais en 1806, il passe les huit années suivantes dans l'enfer des pontons en rade de Plymouth, et met cet enfermement à profit pour peindre. Après sa libération en 1814, il se consacre à la peinture et devient, dès 1817, le premier peintre officiel de la Marine (corps qui existe toujours au sein de la Marine Nationale). Une partie de ses tableaux s'inspire de ses aventures, l'autre entre dans le cadre de ses fonctions de peintre de la Marine, avec notamment de nombreuses vues de ports français ou étrangers. "La bataille de Navarin" figure parmi ses œuvres les plus connues, et répond à une commande de l'Etat, destinée à célébrer ce qui fut à la fois, en octobre 1827, la première victoire française depuis la chute de Napoléon Ier, et une étape décisive de la guerre d'indépendance grecque, débutée en 1821 et dont l'opinion publique en Europe s'émut beaucoup. Située dans la baie de Navarin (ouest du Péloponnèse), cette bataille est également considérée comme la dernière grande bataille navale de la marine à voile. Elle oppose, d'une part, les marines anglaise, française et russe, et d'autre part, la flotte ottomane, qui subit ce jour-là un véritable désastre. Garneray s'est rendu à Navarin pour un travail préparatoire (le paysage) et a pu s'appuyer aussi bien sur des récits détaillés de la bataille que sur sa propre expérience de marin et corsaire pour restituer les combats avec un très grand réalisme. Plusieurs versions ont été réalisées par Garneray, une autre version célèbre étant exposée dans les collections du château de Versailles.

  • "Les désenchantées" de Roger Bezombes (1913-1994)

 

Formé à l'Ecole des Beaux Arts à Paris, Roger Bezombes a lui aussi exercé comme peintre officiel de la Marine; cependant, il faut le considérer avant tout comme un grand coloriste, et un artiste dont les œuvres sont aujourd'hui très recherchées et collectionnées en France et dans le monde entier. Bezombes fut très marqué par son amitié avec le peintre Maurice Denis, mais subit aussi les influences de Paul Gauguin, de Vincent Van Gogh, et surtout d'Henri Matisse, dont il adopte les couleurs saturées. Il représentera des sujets très variés - avec une prédilection pour les cultures d'Afrique du Nord (il séjourne en Algérie et au Maroc) - et réalisera également des affiches, des costumes pour des ballets, des médailles, des sculptures, ainsi que des motifs pour les tapisseries Aubusson. "Les désenchantées", réalisé dans les années 1930, témoigne justement de cet attrait pour une peinture décorative, dans le sillage des post-impressionnistes, des nabis ou des fauves, entre autres. Le traitement des personnages, dépourvu de modelé, fait appel à une impressionnante gamme de couleurs, pures et saturées, qui évoque précisément les motifs d'une tapisserie, voire d'un vitrail. Roger Bezombes, loin du souci documentaire aussi bien que de la fascination pour l'Orient fantasmé des harems et des contes des Mille et une nuits qui caractérisent nombre de peintres orientalistes, nous livre ici une œuvre assez difficile à interpréter. On remarque notamment la présence d'une main de Fatima, mais aussi d'un décor chrétien à l'arrière-plan, tandis que les costumes de plusieurs personnages pourraient - selon les dires de certains - évoquer la communauté juive sépharade. Il s'agit visiblement d'une fête (peut être un mariage) et pourtant, l'expression des visages est particulièrement sombre, conférant à la scène un caractère angoissant, un certain malaise, que l'emploi de couleurs froides vient encore accentuer. "Les désenchantées" continuera donc à susciter toutes sortes de questions et d'hypothèses.

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